Un peu d'histoire
Les réflexions sur l'existence de l'Univers, ont été
nombreuses au cours du temps. Les religions Juives,
chrétiennes et musulmanes affirmaient que l'Univers
avait été créé dans un passé, mais un passé pas très
loin de leur époque. Certains, en travaillant sur
l'ancien Testament, attribuaient le début de
l'Univers en l'an 4,000 avant Jésus-Christ. Aussi,
la vision d'un Univers statique et immuable était
"confortable" pour le philosophe grec Aristote.
Au 19ième siècle, on commençait à s'apercevoir
que l'Univers devait avoir changer au cours du
temps. Les géologues, par exemple, attribuaient, aux
roches terrestres et aux fossiles, des âges qui se
chiffraient en milliers et en millions d'années.
Puis, au début du 20ième siècle deux nouvelles
théories, la mécanique quantique et la relativité
restreinte, ont révolutionné le monde de la
physique. La mécanique quantique décrit le
comportement de la matière à des échelles très
petites. La relativité restreinte, elle, a
bouleversé notre entendement normal avec la vitesse
de la lumière comme vitesse invariante, et il
fallait dès lors, abandonner l'idée selon laquelle
le temps est absolu.
Un peu plus tard, en 1915, Einstein, sans
ordinateurs, sans technologie moderne, sans
subventions, avec seulement la puissance de son
cerveau, formula la théorie de la relativité
générale. L'équivalence entre la masse "pesante" et
la masse d'inertie en est le principe de base. Cette
théorie pouvait aussi décrire le comportement de
l'Univers. Le "Big-bang" est, en fait, un des
nombreux "enfant" de la relativité générale.
Dans ses équations, Einstein était fort
embarrassé par un élément qui faisait "évoluer"
l'Univers. Ses équations lui disaient que l'univers
ne pouvait être statique. Selon sa densité,
l'Univers devait soit se contracter ou soit se
dilater. L'idée d'un Univers dynamique ne plaisait
pas à Einstein, alors il décida de ne pas "écouter"
ses équations. Il leur ajouta un terme mathématique,
pour revenir à un Univers statique. L'histoire lui a
donné tort. Si il avait "écouté" ses équations,
Einstein aurait pu prédire l'expansion de l'Univers
15 ans avant Hubble.
Chronologie de
l'Univers
La découverte de
l'expansion de l'Univers par Edwin P.Hubble en 1929,
et la découverte en 1965 par Penzias et Wilson du
rayonnement fossile, relique de la lumière des
premiers temps de l'univers, ont donné une victoire
à la théorie du "Big Bang" sur les théories de
l'état statique de l'Univers. Selon cette théorie,
l'Univers aurait évolué à partir d'un état ultra
dense et ultra chaud, dans un passé qui se situe
autour de 12 milliards d'années. Mais cette théorie
comporte certains points faibles. Disons pour
l'instant que la théorie du "Big Bang" possède une
longueur d'avance sur les autres théories, vu son
bilan positif au niveau prédiction/confirmation par
l'observation. Nous reviendrons sur ces points. Pour
l'instant je vous propose de faire un voyage
imaginaire dans le temps afin de parcourir les
grandes lignes des évènements de notre Univers
décrites par la théorie du "Big Bang". Nous allons
commencer à notre époque, au temps 10, 12 ou 15
milliards d'années (selon les points de vue), pour
nous conduire au temps "zéro".
Avant de commencer, je voudrais rassurer le lecteur
non habitué à certains termes physiques ou
mathématiques. Je voudrais lui dire qu'il ne
s'inquiète pas. Qu'il n'essaie pas de les retenir
tous dès la première fois qu'il les verra. Tout au
long de la lecture, je reviendrai sur plusieurs de
ces termes, quelques fois en les explicitant,
jusqu'au moment où ils lui seront familier.
Comprendre, c'est d'abord se familiariser.
10, 12, 15 milliards d'années, maintenant.
L'univers est rempli d'une "lumière" à une
température de 2,7 degrés K. La matière domine la
densité d'énergie à 0,2 GeV/m³, comparativement à
0,38 MeV/m³ pour le rayonnement. Par contre, il y a
trois milliards de fois plus de photons que de
nucléons et d'électrons. La population de photons,
qui est au nombre d'environ 400 millions/m³, est
constitué d'une infime partie venant du rayonnement
des étoiles. La majeure partie nous viens du
rayonnement fossile. Cette lumière fossile a été
émise quand l'Univers était à 3 000 K. Cette
température porte le nom de température de
découplage électro-magnétique. L'expansion l'a
"refroidi" à 2,7 K.
Il existe aussi une population "fossile" de
neutrinos, répartie dans tout l'Univers. Ils sont au
nombre d'environ 350 millions/m³. Ils sont un peu
plus "froid" avec une température de 1,9 K. Les
neutrinos sont un cas exceptionnel de particules de
matière, existant avec leurs antiparticules. Plus
loin, nous verrons pourquoi . L'Univers
d'aujourd'hui est aussi, très grumeleux et très
"irrégulier" à notre échelle. La température de fond
est de 2,7 K mais la température au centre de
certaines étoiles peut atteindre le milliard de
degrés. Donc le contraste de densité est énorme.
Remontons le temps encore un peu. Les galaxies se
rapprochent de plus en plus les unes des autres à
une vitesse (proportionnelle à leur distance
d'éloignement)de 17 km/sec par million
d'années-lumière (55 km/s/Mpc). C'est la constante
de Hubble de notre époque. La densité de matière
augmente, le rayonnement plus chaud est, lui aussi
plus dense, la courbure de l'Univers plus forte.
Il est classique de suivre ces évènements avec la
comparaison de l'évolution d'une sphère de rayon
R(t) (où t est le temps) emprisonnant une masse
constante. Donc, je vais utiliser cette comparaison.
En remontant le temps, la sphère se contracte,
R(t) diminue. La matière à l'intérieur de la sphère
étant constante, la densité de matière évolue donc
inversement proportionnel à R³(t). La densité des
photons augmente de la même façon, inversement
proportionnel à R³(t), mais la température elle,
augmente inversement proportionnel à R(t). Ainsi, la
densité d'énergie du rayonnement varie inversement
proportionnel à la quatrième puissance de R(t) donc,
plus vite que la densité de la matière.
5 milliards d'années
Une petite halte, en passant pour assister à un
renversement temporel de l'évènement de la formation
d'une étoile et de son cortège planétaire. C'est une
étoile bien ordinaire, ni trop chaude ni trop
froide, qui semble sortir de son "cocon" de gaz
incandescent....c'est le Soleil.
10 millions d'années
Les galaxies se confondent. Elles sont
indiscernables. La densité d'énergie de masse n'est
plus beaucoup supérieur à la densité d'énergie du
rayonnement.
1 million à 300 000
années
Les galaxies disparaissent pour ne laisser qu'une
soupe dont on ne peut rien discerner. La température
du rayonnement est de 3 000 K et correspond à une
densité d'énergie égale à la matière.
Maintenant, l'Univers est dominé par le rayonnement
et non plus par la matière, et ce, pour le reste du
voyage. À 3 000 K, l'hydrogène peut être dissocié
par les photons. Comme je l'ai mentionné
précédemment, cette température correspond au
découplage électro-magnétique. À une température
supérieure, l'Univers est thermalisé. C'est-à-dire
que les photons entre en équilibre avec la matière
par des interactions de type
photon + H
p + e-
1
seconde
La température de l'univers est maintenant de 10
milliards de degrés. L'énergie est de 1 MeV. C'est
le moment où le rayonnement fossile de neutrinos a
été émis. Comme il a été mentionné précédemment, ces
particules existent aujourd'hui avec leurs
antiparticules. Pourquoi n'y a-t-il pas eu
d'annihilation neutrinos-antineutrinos tout comme
les électrons-positrons qui, eux, se sont annihilés
? Parce que l'annihilation neutrinos-antineutrinos
est gouvernée par l'interaction faible qui est de
très courte portée comparativement à l'annihilation
électrons-positrons qui implique l'interaction
élecromagnétique de portée infinie.
Cette population de neutrinos, est un peu plus
"froide" aujourd'hui à 1,9 K, que la population de
photons à 2,7 K. C'est que les photons créés lors
des annihilations électrons-positrons, ont
réchauffés momentanément l'Univers.
Au fur et à mesure que l'on remonte le temps, que
la température et donc l'énergie des photons
augmente, un phénomène quantique et relativiste
intervient. Quand l'énergie devient comparable à la
masse d'une particule et de son antiparticule, des
paires de ces particules-antiparticules apparaissent
selon la fameuse équation E=mc². Ensuite, ces paires
s'annihilent rapidement. Créations et annihilations
surviennent à chaque instant, maintenant les
populations de particules-antiparticules en nombres
égaux. À 1 MeV, l'énergie est largement suffisante
pour que les électrons-positrons entrent dans la
scène de l'Univers. En fait, elle l'était aussi,
quand nous avions passé la cap des 5 milliards de
degrés.
Je voudrais prendre quelques lignes pour faire un
petit brin d'explication pour la compréhension du
texte. Quand vous lirez qu'une telle particule entre
dans "la scène de l'Univers", cela ne veut pas
nécéssairement signifier qu'elle n'y était pas
auparavant. Imaginons plutôt qu'elle était en
"coulisse" jusqu'à ce que ce soit le moment de son
"scénario" dans la scène décrite.
1 dix millième de seconde
Ici, il se passe plus d'évènements physiques en une
fraction de seconde, qu'en un milliard d'années dans
notre monde froid d'aujourd'hui. La température est
de trois trillions (trois mille milliards) de
degrés. La densité d'énergie est énorme. Au fur et à
mesure qu'elle continue à augmenter, va se produire
une première transition de phase, un peu comme de la
glace qui devient de l'eau liquide lorsqu'on élève
la température au dessus de 0 degré Celsius.
Ces transitions de phases s'accompagnent toujours
de pertes de symétries. Dans notre cas, c'est un
gain de symétrie car nous allons du froid au chaud.
L'eau est plus symétrique que la glace.
À basse température, les quarks, constituants
fondamental des hadrons (protons, neutrons, mésons),
sont confinés dans leur espace d'un Fermi (un dix
millième de un milliardième de centimètre), à
l'intérieur des protons et des neutrons. Dans notre
époque, ils ne vivent pas en "solitaires". Mais
au-delà des températures mentionnées ci-dessus, les
nucléons se "brisent" et les quarks sont déconfits.
On a donc un plasma de quarks. Les quarks émettent
des gluons qui à leur tour se transforment en paires
quarks-antiquarks. Photons, gluons, électrons,
positrons, quarks et antiquarks, font maintenant
tous partie, en nombre égaux, de la soupe ultra
chaude et ultra dense des premiers temps.
1 cent milliardième
d'une seconde
L'interaction faible augmente avec l'énergie. À un
milliardième de seconde, elle vient joindre
progressivement les interactions nucléaires fortes
et électromagnétiques qui seules, jouaient un rôle
dans les chocs créés par les particules. À un cent
milliardième d'une seconde, une deuxième transition
de phase va se produire. Les deux interactions,
faible et électromagnétique qui ont maintenant la
même constante de couplage, s'unissent et deviennent
indiscernables. Cette "nouvelle venue" s'appelle
l'interaction électrofaible. La très grande masse
des bosons faibles, vecteurs de l'ancienne
interaction faible, s'annule. Les bosons faibles ont
ainsi une masse nulle, comme le photon.
Ici, c'est au tour des neutrinos d'entrer en
"symétrie". Ces particules étaient émises dans les
interactions faibles. Maintenant, l'annihilation e-
e+ engendre des photons mais peut tout aussi bien
produire une paire de neutrino-antineutrino. Les
neutrinos, les électrons, les quarks, leurs
antiparticules, les photons, les gluons et les
bosons faibles sont en équilibre par leurs nombres,
et par leurs énergies.
1 cent-millionième de
milliardième de milliardième de milliardième de
seconde
La température est de 10 milliards de milliards de
milliards de degrés. C'est, selon la théorie, le
domaine de la troisième transition de phase (la
première à partir du "Big Bang"). C'est aussi celle
qui correspond à l'unification des trois types
d'interactions, électromagnétique, faible (qui tous
deux forment déjà l'unification électrofaible) et
nucléaire forte. Les masses des particules X,
responsables de la transformation quarks-leptons,
deviennent nulles à leurs tours. Quarks et leptons
(électrons,neutrinos) sont à leur tour
indifférenciables et se transforment les uns dans
les autres.
1 cent millionième de
milliardième, de milliardième, de milliardième, de
milliardième, de seconde (10-44 secondes)
Ici, l'édifice de la science s'écroule. C'est la
frontière ultime de nos connaissances. L'énergie des
particules tend vers la masse de Planck, dans un
champ de gravité intense. La gravité doit être
quantifiée. Le problème, c'est que la science n'a
pas encore trouvé le moyen de "marier" les deux
théories majeures et fondamentales de la physique,
nécessaires à cette opération : la mécanique
quantique et la relativité générale.